Bonjour Fouzia (Zellipark) peux-tu te présenter ?
Je m’appelle Fouzia, je vis dans le Tarn et je suis artiste plasticienne.
Franco-algérienne, j’ai immigré en France à l’âge de 9 ans. Je souligne ce passage de ma vie parce qu’il influence aujourd’hui mon travail d’artiste. Cette double culture transparaît dans la plupart de mes œuvres.
Quel a été ton premier contact avec l’art ? Comment t’est venue l’idée d’utiliser l’art comme moyen de sensibilisation et d’interpellation du public sur les places réservées aux PMR « Personne à mobilité réduite » ?
J’ai fait des études dans la mode, la couture. Et j’ai travaillé dans ce domaine quelques années en France et à l’étranger. Cela m’a permis de découvrir et de m’initier à différentes techniques artistiques.
Cet intérêt pour les arts plastiques me suit tout au long de mon parcours de vie personnelle et professionnelle.
J’ai toujours utilisé l’art comme moyen d’expression auprès des différents publics avec lesquels j’ai été amené à travailler.
Après plusieurs années à travailler, je suis repartie sur les bancs de l’école pour me former au métier d’éducatrice. J’ai utilisé mon savoir-faire artistique tout au long de ma carrière en tant qu’éducatrice auprès de publics en situation de handicap. C’est à travers cette expérience que j’ai pu réellement me rendre compte de ce qu’était le quotidien d’une personne en situation de handicap. C’est ce qui m’a motivé à réfléchir pour voir ce que je pouvais faire en tant qu’artiste pour faire changer le regard sur le handicap.
Zellipark est donc né de cette réflexion.
Peux-tu nous en dire plus sur ton projet Zellipark ?
Zellipark est une œuvre artistique, qui est peinte à l’aide de pochoirs que je conçois à la bombe de peinture pour marquage au sol et constituée de motifs d’inspiration « zelliges ». Ces motifs sont réalisés sur les places de parking réservées aux PMR afin de leur redonner de la visibilité.
J’ai créé ce projet de A à Z, il y a un peu plus de trois ans, suite à mon expérience professionnelle dans l’accompagnement de personnes en situation de handicap. J’ai été confrontée, à de nombreuses reprises, au fait de ne pas pouvoir me garer sur une place de stationnement PMR lorsque je véhiculais les résidents. L’occupation illégale de cet espace réservé m’a révoltée.
De ce constat, j’en suis donc venu à me demander comment interpeller le grand public pour éviter la banalisation de cet acte ?
Il existe certes des moyens légaux et réglementaires de remédier à cela, mais ma démarche vise avant tout à faire réfléchir la population sur cette situation en les interpellant grâce à l’art.
Ma volonté est de sensibiliser et d’interpeller le public sur ces places réservées. Je souhaite que les gens portent un nouveau regard sur ces aménagements réalisés depuis plusieurs années. Il est important que ces espaces soient de nouveaux respectés et non plus banalisés.
Cette démarche ne vise en aucun cas à donner des leçons. Elle n’a pas de caractère revendicatif, elle s’opère simplement sur le plan artistique et citoyen afin de redonner de l’attention à ces lieux.
Comment choisis-tu les places PMR que tu vas transformer ? Dois-tu demander des autorisations particulières au préalable ?
La plupart des places PMR sont sur des parkings qui appartiennent aux municipalités ou à des structures privées. Je ne peins sur ces places qu’avec leur autorisation. Il y a une réglementation stricte sur ces places et sur le fait d’intervenir sur la voie publique.
Je travaille en partenariat avec l’APF France handicap. Avant la réalisation d’un Zellipark avec un public, je présente le projet lors d’une réunion de présentation où un membre de l’APF m’accompagne pour sensibiliser au handicap et témoigner de l’impact du non-respect de ces places.
Pour le plus grand nombre de mes réalisations, je les ai faites en collaboration avec différents publics de tous âges. J’ai pu ainsi peindre avec des personnes en situation de handicap. Des jeunes de maisons du quartier, avec des habitants de quartier qui souhaitaient participer à cette initiative. Des étudiants en université, ou encore des collégiens dans le cadre d’un projet citoyen.
C’est enrichissant de savoir qu’après mon départ, les personnes qui ont participé à ces réalisations, continuent de diffuser le message, et vulgarisent l’intérêt de respecter ces places.
Je continue encore de développer ma démarche dans de nouvelles communes ainsi qu’auprès de nouveaux organismes.
Quel est ton processus de création pour transformer ces places de parkings ?
Quand je travaille en collaboration avec un public, je l’inclus complètement dans la réflexion de la maquette du futur Zellipark. Du choix des zelliges, de leur couleur ainsi que de leur disposition sur la place. Il est primordial pour moi que les personnes qui vont le peindre se l’approprient.
En revanche, lorsque je travaille toute seule, le choix des motifs est réfléchi en amont. Je travaille d’abord sur une maquette virtuelle avant d’ensuite réaliser le Zellipark.
Pourquoi avoir choisi d’utiliser des motifs d’inspiration « zellige » ? Peux-tu nous dire ce qu’est le « zellige » ?
Les formes géométriques me passionnent, m’attirent esthétiquement. Les zelliges étaient partout sur les murs de la maison de mon enfance… C’est un ornement qui fait partie de ma culture, donc c’est tout naturellement que j’ai fait le choix de les utiliser dans mes créations.
Dans sa définition, le zellige est une mosaïque dont les éléments, sont des morceaux de carreaux de faïence colorés. Ces morceaux de terre cuite émaillée sont découpés un à un et assemblés sur un lit de mortier pour former un assemblage géométrique. Le zellige, utilisé principalement pour orner des murs ou des fontaines, est un composant caractéristique de l’architecture berbère et arabo-andalouse. Ce choix des zelliges a aussi été fait parce qu’il nous rappelle que la société est composée de pièces de tailles, de formes, de couleurs différentes, mais malgré tout assemblées les unes avec les autres pour former un ensemble harmonieux.
Quelles sont les principales difficultés que tu as rencontrées pour mettre en place ce projet ?
Je peux déjà commencer par dire aujourd’hui que ce n’est plus un projet. Que ma démarche Zellipark est bien en place maintenant.
Ce qui a été parfois compliqué au début, mais qui avec le temps l’est de moins en moins, c’est d’obtenir l’aval des communes ou des organismes pour la réalisation de Zellipark. Au départ lorsque le projet était présenté cela pouvait leur sembler très abstrait. Aujourd’hui en voyant ce qui a déjà été réalisé dans de nombreuses villes, c’est plus simple pour eux de voir l’impact qu’une telle démarche peut avoir dans leur commune.
En tant qu’artiste, quels sont pour toi les avantages et les inconvénients des réseaux sociaux ?
L’un des avantages des réseaux sociaux est qu’il est plus facile de faire connaître ma démarche.
Cela permet aussi d’échanger facilement avec le public, avec d’autres artistes…
L’inconvénient en revanche, qui est celui des réseaux sociaux, mais aussi de l’art en général à l’heure du numérique, c’est de réussir à protéger légalement son projet. Il n’a pas été rare de parfois avoir des gens, certes plein de bonnes intentions, qui ont voulu, eux aussi réaliser des Zellipark sans en avoir l’autorisation. La question de la protection, du droit d’auteur, est donc parfois compliquée à faire respecter et d’autant plus sur les réseaux sociaux.
Dans le cas de Zellipark, une des premières démarches qui a été faite a justement été de le protéger afin de légitimer la démarche et de permettre que ce soit réalisé correctement. Aussi, comme je le disais précédemment, la réalisation de marquage sur la voie publique est très encadrée.
Quels sont tes projets ?
De continuer à diffuser ma démarche au plus grand nombre, et de faire évoluer Zellipark auprès de nouvelles structures. Il reste beaucoup à faire.
Où pouvons-nous suivre ton actualité ?
Sur mon site internet, Facebook et Instagram.
Dernière question, as-tu une série, un film ou un livre à nous conseiller ?
Un film qui m’a beaucoup plu « Le Tableau » réalisé par Jean-François Laguionie. Un film sur l’art, mais surtout sur les différences sociales, un sujet qui me touche beaucoup, les graphismes sont superbes.
Un livre « Guerre et Spray » de Banksy
Une série qui ne date pas d’hier, de 1982 « Fame ».
Vous pouvez découvrir ou redécouvrir mes autres interviews Street Art ici.
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