Bonjour Grünnif peux-tu te présenter ?
Mon petit nom, c’est Grünnif… Je réalise des pochoirs, essentiellement sur papier que je colle ensuite dans la rue. C’est la face cachée de ma vie… Le reste du temps, je travaille dans l’industrie.
Je fais ça sur mon temps libre et j’essaie de laisser une trace de mon passage dans chaque ville où je passe.
Comment as-tu choisi ton nom d’artiste Grünnif, a-t-il une signification particulière ?
Ce pseudo vient de loin… De mes années « lycée » …
Grünnif était le nom du personnage de jeu de rôle à qui j’ai donné vie de nombreuses années. Ce surnom est resté pour certains de mes amis. C’était donc le pseudo idéal qui peut permettre à certains de m’identifier tout en préservant mon anonymat. Cela dit, ma signature (Le « G » vert accompagné du if dans un rond rouge) est tellement incompréhensible qu’y lire Grünnif relèverait de l’exploit !
Quel est ton parcours artistique ?
Je n’ai absolument aucune formation artistique. Mais, j’aime l’art sous toutes ses formes (littérature, cinéma, peinture, musique…). J’aime la liberté qu’offre l’art, sa capacité à émerveiller et à faire réfléchir.
Depuis quand fais-tu du collage et du pochoir, qu’est-ce qui t’a donné envie de te lancer là-dedans ?
Le street-art m’a toujours fasciné. Lorsque j’étais au collège dans le 13 à Paris, une artiste inconnue : Miss Tic !!! (Miss Tic nous a malheureusement quittées le 22 mai à l’âge de 66 ans) faisait ses premiers pochoirs sur les murs du quartier. Une révélation !
Puis, pendant des années, j’ai pris des photos de street-art durant mes balades. Et un jour, je me suis dit pourquoi pas moi ? … J’ai acheté mes premières bombes de peintures à l’été 2018 sans trop savoir ce que j’allais pouvoir en faire… Mais, je me suis dit que c’était un mode d’expression qui me conviendrait : le côté anonyme, éphémère et un peu rebelle me plaisait bien…
Pourquoi avoir choisi cette technique en particulier ? Quels sont les avantages et les inconvénients de cette technique ?
Je dessine comme un pied. J’ai fait quelques essais directement à la bombe, mais ce n’était pas très concluant.
Le pochoir est plus « simple » même s’il demande beaucoup de travail avant de pouvoir réaliser l’œuvre puis de la coller.
Mais, les trois étapes me plaisent toutes à leur façon : la conception des supports du pochoir, la mise en peinture des différentes couches sur papier puis le collage.
Il y a un côté « surprise » lorsqu’apparaît le pochoir terminé après la dernière couche. Quand on réalise 6 ou 10 couches différentes de support, le pochoir ne ressemble à rien avant la dernière couche, il y a toujours un peu de stress quand on découvre le résultat…
L’autre avantage du collage pour moi, c’est que dans la rue, c’est rapide… Contrairement aux œuvres réalisées directement à même le mur.
À bientôt 50 ans, je n’ai plus l’âge de courir devant la police municipale ou les brigades anti-graffiti…
Quel est pour toi le spot idéal pour pouvoir exposer ton travail ?
J’ai réalisé mes premiers collages sur les murs de Montpellier. La scène du street-art y est assez développée et vivante. Surtout, les petites ruelles de l’Écusson, qui sont un terrain de jeu idéal avec de nombreuses alcôves qui permettent de mettre en valeur les œuvres et de les protéger parfois plusieurs mois ! Cela reste l’endroit où je préfère coller !
Peux-tu nous en dire plus sur ton processus de création ? D’où tires-tu ton inspiration ?
Mes œuvres sont assez spontanées elles sont inspirées de personnages de film ou de BD qui m’ont marqué ou parfois de l’actualité. Mon objectif reste de surprendre, de bousculer et de faire réfléchir lorsqu’on se trouve face à un de mes collages… Que ce soit les personnages de films ou mes collages sur les réseaux sociaux… Les gens doivent se poser des questions, car mes personnages sont rarement « admirables »… S’ils photographient mes collages dénonçant l’emprise des réseaux sociaux et publient la photo sur Instagram, ça les fait forcément réfléchir aussi…
Dans d’autres cas, comme mes collages sur le handicap ou sur l’Ukraine, l’objectif est que les gens n’oublient pas. On est dans une société de l’immédiateté, on regarde sur un écran et on zappe.
Là, en pleine balade dominicale, l’actualité refait surface au détour d’une rue !
Peux-tu nous parler de ton projet #DEMAINSOUVREAUPIEDDEBICHE ?
« Demain s’ouvre au pied de Biche » est un slogan libertaire qu’on trouve de temps en temps sur les murs. On le voyait beaucoup pendant le mouvement nuit debout.
En gros, ça veut dire qu’il faut se faire violence pour un meilleur futur. Que le monde de demain ne sera pas meilleur si on ne résiste pas ! C’est vrai pour soi-même comme pour la société dans son ensemble.
Ma série DEMAINSOUVREAUPIEDDEBICHE est partie de ce principe, j’y ai rassemblé toute une galerie de personnages de films qui chacun à leur façon peuvent être associés à cette phrase : ils sont tous plus ou moins marginaux, dérangeants, rebelles et résistent à leur façon à la société dans laquelle ils vivent.
Attention, je ne cautionne pas nécessairement tous ces personnages et leurs actions.
Autant, on admire Adjani dans Subway, autant on s’identifie difficilement à Alex dans Clockwork Orange. L’objectif reste de heurter pour que les gens réfléchissent sur les raisons qui poussent la société a généré de la violence et de la résistance… Je vois régulièrement que je réussis mon pari : certains de mes collages ne restent pas en place plus d’une dizaine de minutes…
Quelle est ta définition du Street Art ?
Le street-art est un mode d’expression libre, engagé, accessible à tous, évolutif et éphémère. Il n’est soumis à aucune contrainte de lieu, de temporalité ou de message. Il n’est pas contrôlable ! C’est MON pied de biche !
En tant qu’artiste, quels sont pour toi les avantages et les inconvénients des réseaux sociaux ?
Vaste question… Jusqu’en juin 2019, je n’avais pas de compte sur les réseaux sociaux. J’ai créé un compte Instagram par curiosité et j’ai découvert que des gens prenaient mes collages en photo et les diffusaient en se demandant qui était l’artiste. Cela a permis d’être reconnu et identifié.
Mais, c’est un univers schizophrène : je fais des collages dénonçant la mode des selfies ou dénonçant les dérives excessives des réseaux sociaux que les gens prennent en photo et diffusent sur les réseaux sociaux. C’est une boucle infernale… Mais, on finit tous par être pris dans l’engrenage.
Quels sont tes projets ?
Pas de projet bien défini. Cela reste un loisir donc je poursuis ma route en créant de nouveaux collages chaque fois que j’en éprouve le besoin… Je vais continuer à me laisser porter et on verra bien où me mèneront mes voyages pour y laisser de nouveaux collages.
Mais, je vais aussi essayer de continuer à élargir mes thématiques au-delà des clins d’œil cinématographiques et du pied de biche.
Où pouvons-nous suivre ton actualité ?
Sur les murs de Montpellier, d’Arles et d’ailleurs ! Sinon, sur Instagram …
Dernière question, as-tu une série, un film ou un livre à nous conseiller ?
Un film : J’aurais pu citer un film de Kubrick, n’importe lequel… Il m’a fait aimer le cinéma !
Mais, aujourd’hui, je dirais Le Labyrinthe de Pan de Guillermo del Toro, un film méconnu : une fable onirique et engagée hors norme.
Une série : Celle qui a inspiré toutes les autres : Twin Peaks ! Il y a tout dans cette série : le générique, les personnages tous plus décalés les uns que les autres, une histoire terrifiante et glauque. Du grand David Lynch.
J’ai envie de citer une deuxième série, plus récente : The Handmaid’s tale qui est une dystopie absolument terrifiante !
Un livre : Le monde selon Garp de John Irving, j’ai un faible pour cet auteur, son côté décalé et ses histoires qui sont des hymnes à la tolérance.
Une BD pour terminer : Le sursis de Gibrat, un petit bijou… J’aimerais dessiner comme lui, son trait est parfait et ses intrigues romanesques et historiques sont envoûtantes.
Vous pouvez découvrir ou redécouvrir mes autres interviews Street Art ici.
0 commentaire