Bonjour Koeurélé, peux-tu te présenter en quelques mots ?
Artiste Parisien polymorphe.
Quel a été ton premier contact avec le graffiti ? Et qu’est-ce qui t’a donné envie de te lancer là-dedans ?
Mon premier contact avec le graffiti fut dans les années 90, avec l’effervescence du Hip-Hop et la première vague de graffeurs parisiens, notamment les peintures de Mode 2. J’ai pris une claque comme beaucoup.
Ce qui m’a plu et m’a marqué tout de suite, c’est le fait que la peinture pouvait être ailleurs que dans un musée ou une galerie. La ville comme terrain de jeu, accessible à tous, en connexion directe avec les gens, dans l’environnement urbain, dans mon quotidien.
Avec ta propre motivation, du style et un peu de matériel, tu peux faire des choses exceptionnelles, c’est l’essence de la culture Hip-Hop. C’est tout ça qui m’a donné envie de me lancer.
As-tu suivi une formation ou tu as appris à dessiner en autodidacte ?
J’ai toujours dessiné, sculpté depuis tout petit.
Enfant, j’étais demandeur pour aller au centre d’animation, d’expression et de loisirs de ma ville, puis j’ai rencontré des gens qui m’ont enseigné.
Ensuite, c’est l’envie qui m’a guidé, j’ai fait une école de design industriel en 1996/97, pour rentrer dans cette école, j’ai présenté des « graffitis ». Ils ont senti que j’étais déterminé et ils m’ont fait confiance.
J’ai pu suivre mes études dans cette école, m’accrocher et j’en suis ressorti diplômé. Je voulais réussir pour avoir les armes qui me permettraient d’amener plus loin mes idées et ma culture. Il y a aussi de la curiosité, j’ai appris beaucoup de choses tout seul.
Aujourd’hui en France, est-il possible de vivre de son art en tant que graffiti artiste ?
Oui, tu peux vivre de ton art, comme tout artiste qui s’en donne les moyens. Tout le monde a une vision différente et heureusement, pour ma part, je considère qu’il faut beaucoup de rigueur et de travail.
Il faut forcément faire des compromis parce que le graffiti se pratique dans la rue, par définition. Si tu veux en vivre, il faudra faire évoluer ton travail afin de garder, de transposer l’essence de ta culture et réussir à trouver une autre forme, une autre esthétique. Il faut se remettre en question et travailler.
Faire du Graff sur des toiles, il y a là un non-sens. Mais beaucoup s’en contentent, il y a une demande et beaucoup y répondent.
D’autres artistes se refusent à cela et ce sont eux que je préfère regarder et que je conseillerai de suivre.
Avec le Koeurélé, je m’amuse, je fais rentrer quelques billets. Je ne gagne pas ma vie avec ce projet, mais j’ai d’autres cordes à mon arc.
Le cœur fait partie intégrante de tes œuvres, on le retrouve également dans ton nom d’artiste, on peut dire que c’est un peu ta marque de fabrique. Pourquoi ce choix ?
J’ai choisi le « koeurélé », ce cœur avec des ailes aux formes arrondies comme un flop, pour deux raisons principales :
– Il représente « la liberté », liberté d’être, de choisir, de voler, d’atterrir, de décoller dans l’espace urbain.
– Il représente également et simplement une émotion, émotion présente en chacun de nous, au même titre que la peur, la colère, la tristesse, la sérénité…
Les mentalités commencent à changer, heureusement, mais à l’époque, lorsque je l’ai créé le koeurélé, parler ouvertement de ses émotions, en tant qu’homme, n’était pas chose commune et comme je n’ai pas un caractère à suivre, j’ai remonté le courant.
Comme dirait la Scred connexion avec humour, « Il n’y a que les poissons morts qui suivent le courant ».
D’où vient ton nom d’artiste Koeurélé ?
Le nom Koeurélé est la contraction de « cœur ailé », simple.
Je me suis rendu compte par la suite que certaines personnes pouvaient entendre « se quereller », c’est une simple coïncidence.
Quel est pour toi le meilleur emplacement pour apposer tes stickers ? Et pour graffer ?
Lorsque je pose un Koeurélé sur un mur, un vêtement ou dans d’autres lieux et sur d’autres supports, c’est forcément un moment de kiffe.
Je n’ai pas de lieu de prédilection, je m’adapte à la situation. Soit j’étais avec des potes, soit je réalisais une fresque pas loin et je suis allé marquer le quartier. Soit, j’étais avec ma fille et je collais des stickers, soit j’étais en vacances et j’ai laissé une casdédi….
Tu es un artiste touche-à-tout (sticker, mural, tableau, vêtement…), ce n’est pas difficile de gérer autant de projets différents ?
Je l’ai choisi. Je n’y vois pas de difficulté, mais un réel privilège que de prendre le temps de rencontrer les gens, de créer, seul ou avec une équipe, d’aboutir à finaliser un projet.
Peu importe le domaine, j’aime découvrir, apprendre, me renouveler, ne pas rester dans la facilité et dès que je le peux ou dès que l’on me le demande, j’amène ma vision, mes idées, ma culture.
Par contre, il ne faut pas se disperser, mais prendre les projets les uns après les autres. Effectivement, j’ai fait plein de choses, mais je n’ai pas 20 ans !!!
Le Koeurélé lui a 23 ans cette année, j’en ai fait des projets et heureusement que je ne suis pas resté à faire que des flops dans la rue, même si c’est toujours un kiff!
Quels sont pour toi les avantages et inconvénients des réseaux sociaux ?
Avantages :
Tu peux :
– Être autonome, indépendant, créer ta propre tribu, trouver les gens qui aiment ton travail.
– Générer ta propre économie.
– Avoir une plus grande visibilité.
– Découvrir plein d’artistes intéressants…
– Te connecter au monde.
Inconvénients :
– Chronophage.
– Beaucoup d’artistes ont un travail, une production similaire. Ils sont inconsciemment influencés.
– Si tu passes trop de temps sur les réseaux à regarder les autres, tu es trop imprégné par leur travail.
Tu ne peux donc pas aller chercher ce que tu as dans tes tripes et le livrer. Tu ne serviras qu’un plat réchauffé.
– Le temps dicté par les réseaux sociaux n’est pas celui que demande la réalisation d’une œuvre aboutie. Les réseaux, c’est vite… vite… vite, beaucoup… partout… mégalo… Prendre le temps, c’est important.
Où pouvons-nous suivre ton actualité ?
On peut suivre mon travail autour du Koeurélé, essentiellement sur Insta : Koeurélé
Quels sont tes projets pour l’année à venir ?
Pleins de projets pour cette nouvelle année sont déjà programmés et j’espère que d’autres viendront se greffer.
Pour le premier trimestre :
– Fresque pour Tesla en Allemagne avec l’agence GLV.
– Réalisation d’un clip avec Le Bon Nob…
– Des expositions…
Dernière question, as-tu une série, un film ou un livre à nous conseiller ?
Un son : « Gorilla » de Little Simz.
Un livre : « Le Meurtre du commandeur » d’Haruki Murakami.
Vous pouvez découvrir ou redécouvrir mes autres interviews Street Art ici.
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