Bonjour Sbuone, peux-tu te présenter en quelques mots ?

Salut, mon nom est Fabien, je signe Sbuone.
Je peins depuis 1998 sur les murs, je fais aussi des tatouages depuis 5 ans. J’ai grandi en France et je vis depuis 20 ans à Montréal.

Sur ton profil Instagram, on peut lire peintre rupestre, qu’est-ce que cela veut dire ?

C’est plutôt une blague. On appelle les artistes du paléolithique qui faisaient de l’art sur les murs des grottes, et sûrement aussi à l’extérieur, mais qui n’ont pas survécu aux millénaires, des peintres rupestres. Un jour, j’ai juste eu envie d’écrire ça, sans trop réfléchir.
Même si je me réclame de cet héritage, je crois que peindre les murs et toutes autres sortes de surface est aussi naturel qu’être vivant. Et que c’est pour ça que l’art existe depuis toujours — autant sur les murs que sur la peau.

En plus d’être peintre, tu es également tatoueur. Quelle profession as-tu exercée en premier ? 

Je n’ai pas eu un parcours direct, mais plutôt en zigzag.

J’ai commencé par étudier et travailler en graphisme. Parallèlement, je graffais toutes sortes de supports. Avec le temps, j’ai développé mon dessin. J’ai exploré quelques courtes histoires de bande dessinée, j’ai fait des voyages pendant lesquels je remplissais plusieurs carnets de dessins. Je peignais aussi des murs tout en vivant toutes sortes d’expériences humaines, en faisant des rencontres.

Mon style s’est solidifié à ce moment-là.

En 2016, je suis parti au Mexique avec Naïmo, Opire et Bonnard. On a peint beaucoup de murs pendant ce voyage. Et, inspiré par eux, par les amis mexicains (des super artistes !), j’ai pu explorer encore à un niveau supérieur mon approche de la murale et de mes couleurs. C’est à partir de ce voyage que j’ai réellement commencé à faire des murales que je considère plus aboutis. L’année suivante, j’ai peint un gros mur au festival Mural et, de projets en projets, j’ai lentement commencé à vivre de mon art.

En 2019, j’ai fait un autre long voyage pendant lequel j’ai commencé à faire de la linogravure.
Puis, par une suite d’événements inattendus, je me suis retrouvé dans une convention de tatouage avec l’un de mes meilleurs amis qui tatoue depuis plus de 10 ans. Je me suis acheté mes deux premières machines et j’ai commencé à tatouer. 

Peux-tu nous en dire plus sur ton processus de création ? Quel est pour toi le meilleur endroit pour exposer tes fresques ?

Mon processus de création se résume à un sketchbook que j’ai toujours avec moi et dont je remplis les pages au fil des jours : dans le métro, un café, un atelier de modèle vivant, la rue, une expo… 
Partout où je sors un peu de la routine et où je retrouve l’énergie du voyage.

À partir de ces sketchbooks, je choisi des dessins qui me parlent et auxquels j’ai envie de donner vie soit sur un mur ou sur la peau, parfois les deux.

Le meilleur endroit pour une murale est un endroit où c’est vu. Mais j’aime particulièrement peindre dans des spots abandonnés, sur des murs qui n’ont pas encore été touchés. Là, la beauté de la texture d’un béton brut et la liberté de pouvoir faire ce que je veux sont plus satisfaisants encore que de faire une fresque vue par une grande quantité de monde.

Quelles sont tes principales sources d’inspirations ?

Mes sources d’inspiration sont multiples. Mais on peut ramener ça à une chose : la représentation de ce qui est propre à l’humanité depuis la nuit des temps. Je m’explique : j’aime particulièrement les objets et œuvres d’art anciens, ceux qui ont survécu jusqu’à nous. Ces objets et ces représentations détiennent une forme de clés, de témoignage, de ce que nous, les êtres humains, trouvons important, assez pour mériter d’être représentés.

Je suis passionné par l’histoire. Il y a quelque chose de fascinant à imaginer le monde dans lequel nos ancêtres ont vécu. Il y a un autre aspect : le monde du rêve existe depuis toujours. On peut même dire qu’avant de parler et d’écrire, les humains utilisaient ce langage métaphorique pour exprimer des idées et apprendre à exister dans le monde. Je peins des formes, des personnages, des animaux, des scènes qui viennent résonner avec cette part ancienne que chacun d’entre nous a au fond de lui.

Dans tes œuvres tu utilises principalement du rouge, de l’orange et du bleu, est-ce que ces couleurs ont une signification particulière ?

Quand je peins un mur, je pars souvent avec une gamme de couleur très limitée. J’ajuste ensuite la peinture ou les couleurs intuitivement pour trouver un équilibre, trouver la justesse. C’est quelque chose que je ne peux pas expliquer de façon technique, seulement, tant que je ne suis pas satisfait, je dois poursuivre jusqu’à atteindre ce qui est juste jusqu’à ce que la peinture soit achevée.

Toutes les couleurs ont des attributs, mais je n’en tiens pas compte. Mes choix sont purement esthétiques, j’y vais au feeling.

Y a-t-il un message que tu veux faire passer à travers ton travail et tes œuvres ?

Il y a un message, mais je ne saurais l’exprimer en mots, c’est pour ça que je dessine et que je peins.

Je crois qu’il y a une forme de message qui me dépasse, dont je ne suis qu’un vecteur. Peut-être que ce sont plutôt des réflexions sur la vie, sur notre animalité, sur notre lien aux autres êtres vivants et à notre environnement direct. 

Si tu devais définir ton style en 3 mots, lesquels seraient-ils ?
  • Hachures
  • Ancien
  • Nerveux
En tant qu’artiste, penses-tu que les réseaux sociaux sont un atout ou un désavantage pour toi ?

Les deux. Ce sont des avantages indéniables pour la visibilité que ça donne à tout créateur et la possibilité de nous mettre en contact direct avec notre public. C’est vraiment génial pour ça. 

C’est aussi un désavantage. Depuis les dernières années, par exemple avec Instagram, les artworks ne sont vus que comme des posts entre lesquels on glisse des pubs… Pour être vu par notre audience, il faut parfois payer sinon notre travail n’apparaît tout simplement plus dans leur feed. Les réseaux sociaux avantagent aussi les artistes ou influenceurs qui aiment étaler leur narcissisme au grand plaisir de leur audience et des algorithmes. Selon moi, les meilleurs artistes ne sont pas nécessairement des présentateurs télé ou des vendeurs de char malheureusement pour eux c’est ce qui marche… Moi, ce que j’aime, c’est voir l’art d’artistes dont j’aime le travail, mais pas nécessairement savoir ce qu’ils ont mangés pour leur lunch.

Le dernier point qui est soulevé récemment, c’est que les réseaux sociaux sont en train de puiser dans notre art pour nourrir l’intelligence artificielle et faire des artworks à notre place…

Quels sont tes projets artistiques pour cette année ?

J’ai fait une murale en collaboration avec des amis mosaïstes du nom de Nayan. Ça a été un des projets les plus intéressants que j’ai pu faire jusqu’à maintenant. Mélanger la mosaïque avec le mural ‘traditionnel’ a été une super expérience. J’espère que d’autres projets comme celui-ci, où on pourra explorer encore d’autres possibilités, verront le jour dans les prochains mois et années. Sinon des tatouages, des voyages, des peintures spontanées dans des endroits perdus…

Dernière question, as-tu une série, un film ou un livre à nous conseiller ?

Le livre qui m’a le plus marqué, je pense, c’est un livre qui s’appelle « Le culte de la déesse-mère dans l’histoire des religions » de E.O James. C’est un livre que j’ai trouvé par hasard dans une librairie féministe, qui tente retracer l’évolution des cultes de déesses depuis le paléolithique jusqu’à la chrétienté. C’est un livre qui a eu une grosse influence sur mon travail.

Merci

Vous pouvez découvrir ou redécouvrir mes autres interviews Street Art ici.


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