Bonjour Julien Migwel peux-tu te présenter ?

Enchanté ! Julien Migwel, artiste, breton d’origine, basé à Bordeaux depuis de nombreuses années maintenant. Je peins sur des murs ou sur toile et je décline mon travail aussi en numérique.


Comment décrirais-tu la scène Street Art/Graffiti de Bordeaux ?

J’apprécie beaucoup la scène graffiti à Bordeaux qui est vivante et éclectique, avec des acteurs « forts » du mouvement en France.

Que l’on regarde du côté « vandal » ou bien « street art », il y en a pour tous les goûts. Et les crews, nombreux et actifs. Ils ont réussi à imposer Bordeaux sur la carte du graff français depuis de nombreuses années. Comme partout ailleurs quand il s’agit de graffiti, la scène est assez éparpillée, mais s’est tout de même montrée solidaire sous l’égide de grands projets comme Shake Well ou (feu) Transfert. 

Quel a été ton premier contact avec l’art ? Et qu’est-ce qui t’a décidé à te lancer dans le graffiti ? 

J’ai toujours aimé dessiner, depuis tout petit. C’est un ami qui m’a initié au graffiti quand j’étais adolescent et j’ai continué à pratiquer avec plus ou moins d’assiduité jusqu’ici. Entre-temps, j’ai pu faire une école d’art appliqué et me spécialiser dans l’infographie.

Une fois à Bordeaux, j’ai trouvé le temps de sortir les bombes plus souvent, avec mes copains du collectif Skinjackin, entre autres.

Peux-tu nous en dire plus sur ton collectif ?

Skinjackin est un collectif qui regroupe des peintres, illustrateurs-trices, tatoueurs-euses, graffeurs-euses et graphistes, tous-tes solidaires d’un même équipage pirate rigolo et coloré. Nous proposons essentiellement des animations de tatouages éphémères aux couleurs flashy, décalés, originaux et surprenants. L’intervention se fait en direct sur la peau des gens, dans tous types événements culturels. Nous réalisons aussi des ateliers jeunesse et des fresques murales.
Nous avons 3 équipes actives : Bordeaux, Paris, Montréal.

Comment définirais-tu ton style ?

J’aime créer des univers décalés et colorés, souvent à la limite de l’enfantin. J’aime capter l’œil avec des couleurs vives et un imaginaire pop. Pourtant, la plupart du temps, mes œuvres tendent à intégrer une seconde lecture plus absurde et sombre, en opposition avec cette ambiance facile à capter au premier regard.

D’où tires-tu ton inspiration ?

Mon inspiration est multiple. Je me nourris aussi bien des icônes pop et rigolotes des cartoons actuels comme Bob l’Éponge, Rick & Morty ou Adventure Time que d’artistes moins actuels comme Francis Bacon, Matisse ou Edward Hopper.
Pour le côté graffiti, j’ai toujours aimé les pièces des MSK ou des Weird Crew ou bien même de Keith Haring.

Tu dessines sur différents médiums, y en a-t-il un que tu préfères par rapport aux autres ? Ton processus de création est-il le même pour chaque médium utilisé ?

La fresque murale est mon médium favori, car c’est le plus satisfaisant personnellement. J’aime travailler en grand format, avoir une liberté de mouvement et investir l’espace public.
Ceci dit, je pense que mes pièces réalisées en studio, comme les collages numériques et infographies, sont plus complexes.

Le processus n’est pas du tout le même.
Pour la fresque murale, je travaille en priorité les assemblages de couleurs et le mouvement. J’aime aussi conserver des éléments qui rappellent mes influences graffiti.

Pour mes œuvres numériques, je pars souvent d’une photo d’archive, avec une ambiance désuète et très figée. Je la modifie jusqu’à ce que l’imagerie rétro devienne un décor qui accueille des éléments étonnants, des motifs explosifs ou encore des personnages qui semblent sortis d’un cartoon surréaliste.

En parlant d’œuvres numériques, tu fais également des NFTs, peux-tu nous expliquer ce que c’est ? Penses-tu que les NFTs sont l’avenir de l’art ou un simple effet de mode ?

Les NFTs, pour faire simple, sont des objets numériques uniques et certifiés à collectionner. Ils sont intégrés dans la Blockchain (sorte de réseau partagé et immuable), sur lequel on peut effectuer des transactions, suivre des actifs et qui est par essence « inviolable ». C’est la technologie qu’utilisent les crypto-monnaies, comme le bitcoin, entre autres. En ce moment, beaucoup d’artistes et de collectionneurs s’intéressent à cette technologie, car c’est une nouvelle voie pour échanger.

Je ne pense pas que c’est l’avenir de l’art, mais plutôt un nouveau marché. Il a pour mérite d’être fiable et de limiter (voire de supprimer) les intermédiaires entre artistes et acheteurs.
Le principe est aussi abstrait que nouveau, parce qu’il met l’accent sur la certification de l’œuvre et son contrat de propriété, plutôt que sur l’œuvre en elle-même. Certains apprécient le principe, certains détestent, à chacun de juger.

Pour ma part, je le vois comme un terrain nouveau et intéressant à explorer.

Pour tous ceux que ça intéresse, je vous invite à découvrir mes NFTs sur la plateforme Wallkanda, qui est un site français dédié aux NFTs de street artistes.

En tant qu’artiste, quels sont pour toi les avantage et les inconvénients des réseaux sociaux

On connait tous les avantages et inconvénients des réseaux : on kiffe le fait de pouvoir diffuser facilement ses œuvres, de pouvoir découvrir des nouveaux talents chaque jour et de créer des liens facilement.

On aime moins le côté voyeur, la critique facile et le fait que, souvent, les stars des réseaux sont de très mauvais modèles pour les jeunes générations.

Après, je n’ai pas du tout envie de dire que c’était mieux avant les réseaux, il fallait vraiment être motivé pour trouver des infos, regarder ce qui se faisait ailleurs et c’était beaucoup de temps passé en recherches. C’est comme tout, il faut être conscient des mauvais côtés de l’outil et se concentrer sur ses avantages, qui sont nombreux. 


Selon toi, quelles sont les différences entre le Street Art et le Graffiti ?

Beaucoup diront que c’est vandal contre légal. Que le graff n’est pas de l’art et que le street art n’est pas du graff, car il cherche clairement l’approbation du public en tant qu’œuvre.

Pour moi, c’est un peu plus compliqué que ça.

Les deux pratiques sont des pratiques artistiques à part entière, mais :
Le graffiti est un mouvement qui puise son essence dans le fait d’apposer sa marque dans la ville, dans l’environnement. Le graffiti en tant qu’art trouve sans doute plus de force dans le chemin qui mène le peintre à réaliser sa pièce que dans le résultat en lui-même.
Prenez n’importe quel graffiti vandal qui vous accroche l’œil (sur un pont, sur la rocade, sur un toit) et transposez-le sur une toile ou sur un mur de musée, vous lui enlevez toute sa puissance. La force artistique est donc autant (ou plus) dans le processus qui implique de transgresser les règles que dans la restitution finale.

Le street art présente aux yeux du public une œuvre finie et souvent dans des codes esthétiques actuels, parfois de façon illégale, mais le plus souvent tolérée. Pour moi le street art est juste de l’art. Mais dans l’espace public. Il y a juste en plus cette dimension « gratuite » et accessible à tout le monde, sans distinction.

Pour ma part, quand j’ai commencé à peindre, le mot street art n’existait pas, les peintres qui avaient des envies plus « illustratives » étaient considérés comme des graffeurs, tant qu’ils peignaient avec des sprays. Ils étaient ceux qui allaient peindre les « persos » et les décors dans les fresques !
De nos jours, le distinguo est plus marqué, car le mouvement a beaucoup évolué et tout le monde ne commence plus par le tag comme passage obligatoire pour apprendre.

Les puristes, et je trouve ça normal, s’appliqueront à ne pas perdre cet esprit originel vandal et vont donc naturellement rejeter plus facilement les œuvres dites de street art.

À titre personnel, je trouve que tout le monde a sa place tant qu’on s’intéresse à la culture et qu’on respecte ses codes.

Quels sont tes projets ?

J’expose en ce moment à Hong-Kong pour la galerie TwentyCinco, avec d’autres artistes français issus du graffiti.

J’ai aussi une exposition de prints inédits en préparation qui aura lieu chez « Dark en ciel », excellent salon de tattoo bordelais, dans le courant de l’année prochaine.

Sinon, je peins des murs et continue de bosser avec mes copains de Skinjackin sur différents événements.

Où pouvons-nous suivre ton actualité ?

Sur mon site web ou sur mon Instagram.

Dernière question, as-tu une série, un film ou un livre à nous conseiller ?

En ce moment, je regarde Inside Job, une série animée Netflix, qui reprend les théories du complot actuelles, comme absolument véridiques. C’est donc un univers où le Deep State dirige effectivement le gouvernement américain. Un univers où les reptiliens côtoient extra-terrestres et Illuminatis et où le président est un robot (et bien plus encore). C’est plutôt drôle.

Vous pouvez découvrir ou redécouvrir mes autres interviews Street Art ici.


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