Bonjour Joël peux-tu te présenter ?
Je m’appelle Joël, j’affiche ou j’accroche mes peintures sous le pseudo de laffiche_dans_la_rue (sans apostrophe). J’ai un (vrai) travail (rires) à côté de cela, mais qui ne vaut pas vraiment la peine d’en parler ici.
Je sais, je ne vous apprends pas grand-chose.
Quel est ton rapport avec l’art ? Peux-tu nous en dire plus sur ton parcours artistique ?
Mon rapport avec l’art ?
Je suis assez curieux, j’aime savoir comment une œuvre a été réalisée. Comment une structure peut-elle tenir, quelle astuce ou ingéniosité a trouvé l’artiste pour nous accrocher. Du coup, je suis plutôt attiré par les arts contemporains.
Je ne comprends pas toujours pourquoi telle ou telle œuvre me plaît, mais ça ne me dérange pas.
Ça, c’est pour les arts plastiques ou architecturaux.
Ensuite, il y a la BD, l’art de la BD !
En quelques coups de crayon ou bien en réalisant de véritables œuvres d’art pour chacune des cases, comment ces créateurs, dessinateurs, coloristes, metteurs en page, scénaristes, souvent tout ça à la fois, peuvent-ils nous transporter dans leur univers en seulement deux dimensions ?
C’est du grand art !
C’est d’ailleurs vers ce type de dessin que j’ai démarré. Le confinement a enfoncé le clou !
J’ai réalisé une courte BD de 15 planches. J’ai mis plus d’un an !
Quand on imagine qu’un album classique contient au minimum 80 planches… Pfiou, quel travail !
Comment t’est venue l’idée de créer l’affiche dans la rue ? Qu’est-ce qui t’a décidé à exposer tes œuvres dans la rue ?
Laffiche_dans_la_rue est née à la fin de ma BD. J’avais des tas d’illustrations dans la tête.
Mais je ne voulais pas repartir sur des planches de BD.
Par ailleurs, comme beaucoup de quadragénaires avec la peur de la perte de… vitesse, je pratique autant que possible la course à pied. Ce qui m’a permis de découvrir les berges de la Garonne et plus particulièrement le dessus des Ponts Jumeaux, avec son béton triste et grisonnant.
Contexte aquatique oblige, mon premier couple de baigneur est venu s’y coller.
J’ai créé un Instagram laffiche_dans_la_rue en espérant bien récolter de bons retours. Ça a fonctionné, des personnes pour qui c’est le trajet quotidien me disaient que cette affiche égayait leurs routines, etc.
Peux-tu nous en dire plus sur ton processus de création, est-ce qu’il change en fonction du support utilisé ? D’où tires-tu ton inspiration ?
À partir de ce premier collage d’affiche personnalisée, j’ai voulu aller plus loin, raconter une histoire. J’ai décidé de m’imposer une contrainte, trouver le lieu et ensuite l’histoire. Plusieurs critères pour le choix de ces emplacements.
Premièrement, il faut que mes affiches soient vues, il faut que le support se prête au collage de papier ou qu’il puisse être arrangé pour cela. Et enfin, il ne faut pas que mon installation dégrade ou dénature trop le mur sur lequel je colle.
Une fois ce lieu trouvé, ma recherche commence :
– Nom de la rue,
– histoire du quartier,
– lieu symbolique à proximité,
– environnement (aquatique, chaleureux, hostile, miteux, glamour, etc.),
– couleur du mur (j’ai même fait faire un pot de peinture de la couleur du béton des Ponts Jumeaux de Toulouse !), etc, etc.
À partir de là mon imagination bouillonne, je file à la médiathèque (big-up à toutes les bibliothèques de Toulouse !), je feuillette et ingurgite tous les rayons BD, excursion aux rayons des arts, une expo par-ci par-là…
Bref, c’est l’obsession, je ne pense qu’à cela jusqu’à l’étincelle ! Trois ou quatre images illustrant le chemin où je veux amener mon spectateur. Je souhaite que le passant soit surpris
Y a-t-il un message en particulier que tu veux faire passer à travers tes œuvres ?
Non, il n’y a pas de message en particulier.
J’essaie toutefois d’être avec mon temps, il y a l’écologie, le féminisme, l’antiracisme qui ne peuvent être exclus de tout ce que je réalise.
Tu utilises principalement la technique du collage, quels sont les avantages et les inconvénients de cette technique ?
Premièrement, il me faut prendre les mesures, lorsque je veux que mon papier épouse parfaitement une fenêtre ou un mouvement, je dois connaître l’emplacement exact des éléments du mur.
Le collage permet de passer des heures à peindre mon affiche, vu que je choisis des lieux fréquentés, je ne pourrais pas le faire sur place en toute liberté.
Coller est une action coup de poing, tout doit être préparé à l’avance. Il m’arrive de passer un jour avant pour tracer un trait de niveau ou bien des repères qui me permettront d’aller au plus rapide tout en préservant mon exigence de rendu final. Il me faut aussi enlever la poussière et même parfois reboucher des trous au plâtre. La météo, le jour du collage, mon ennemi, le vent. Il me fait tant de misères parfois !
Et malgré tout cela il est possible que ça ne tienne pas.
En résumé, les avantages sont de pouvoir prendre le temps sur l’illustration et la mise en scène.
Et l’inconvénient, c’est toute la préparation nécessaire sans être certain du résultat.
Comme on peut le voir sur ta page Instagram, certaines de tes œuvres disparaissent rapidement (arrachage, recouvrement…), cela n’est pas frustrant de travailler autant sur une œuvre pour qu’elle disparaisse aussitôt ?
Oui, ça peut être sérieusement frustrant. Après avoir passé jusqu’à 20 heures sur une illustration, la voir du jour au lendemain recouverte ou arrachée me désole. Mais c’est le jeu si je veux avoir la plus grande exposition possible.
Et à côté de cela, il y a de bonnes surprises, certaines de mes affiches sont ou sont restées en place durant des mois !
Combien de temps mets-tu en moyenne pour créer une affiche ?
Il y a beaucoup d’étapes, trouver le lieu, rechercher l’histoire et les illustrations, les réaliser (peinture acrylique sur papier ou bois) les coller et les recoller et les recoller encore.
C’est dur de donner un nombre d’heures !? Je dirais 6 ou 7 heures pour les plus simples et 20 à 30 heures pour les plus colorées et recherchées.
Quel est pour toi le spot idéal pour pouvoir les exposer ?
Là où le maximum de passant sera susceptible d’apprécier mon travail.
Par exemple, sous les Ponts Jumeaux, il y a tous les promeneurs du dimanche, coureurs du soir, travailleurs qui se déplacent au quotidien, là, je fais la part belle à une mamie baigneuse nostalgique et poétique, après chaque nettoyage de la mairie, elle revient et poursuit son histoire, fidèle à ces mêmes fidèles passants.
Autre exemple, proche du musée des Abattoirs, rue Marthe Varsi, trois affiches grand format, les couleurs flashes, une histoire intrigante. Je me rapproche plus du dynamisme du quartier St Cyprien.
En parcourant ta page Instagram, j’ai vu que tu travaillais sur la création d’une Bande Dessinée, où en es-tu dans l’élaboration de ce projet ? Peux-tu nous dire de quoi elle va parler ?
J’ai déjà apposé le mot « fin » à cette BD. C’est une courte histoire inspirée d’une anecdote cocasse survenue lors de mon premier « travail » au sein de l’auberge de jeunesse de Carcassonne (entre guillemets, car c’était plus l’éclate qu’un travail !).
Peut-être que je la reprendrai un jour suivie d’autres anecdotes de cette parenthèse enchantée. Je n’ai jamais cherché à la faire publier.
Mais la BD demande là aussi beaucoup de travail. À mon stade, sans être publié, je ne retrouve pas la visibilité que je peux avoir dans la rue.
En tant qu’artiste, quels sont pour toi les avantages et les inconvénients des réseaux sociaux ?
Clairement, les réseaux sociaux permettent en quelques clics une grande visibilité et par la suite offrent le moyen de vendre quelques œuvres originales afin de financer le matériel.
En contrepartie, cela devient bien trop chronophage. Tout est fait pour devenir accro !
Quels sont tes projets ?
Rue des coffres, quartier Les Carmes, j’ai installé ma baigneuse masquée tentant de dérober un coffre-fort. Pour cette œuvre, je n’ai fait qu’utiliser les éléments déjà présents dans la rue, la plaque de rue, une potence juste au-dessus et un coffret électrique en dessous. Il suffit d’ouvrir les yeux en grand !
Je souhaite donc aller dans cette direction, trouver des situations insolites dans la ville et faire de ma baigneuse masquée la superhéroïne toulousaine, rien que ça !
Où pouvons-nous suivre ton actualité ?
Tout d’abord dans les rues de Toulouse, le nez plus ou moins en l’air.
Puis sur Instagram avec le pseudo : « laffiche_dans_la_rue »
(Facebook en parallèle).
Dernière question, as-tu une série, un film ou un livre à nous conseiller ?
En restant dans l’univers BD, « Le goût du chlore » de Bastien Vives, c’est la BD qui m’a inspirée, la baigneuse, dans la même veine, le dessinateur Merwan, et pour finir, globalement toute l’œuvre de Frederik Peeters et particulièrement sa BD « AÂMA ».
Niveau série, je m’interdis d’y toucher, j’ai trop peur de me faire prendre, je dois choisir, affiches ou séries ? C’est tout vu !
En revanche, la musique m’accompagne et m’inspire, je suis resté bloqué sur le groupe « Feu Chatterton », la famille Gainsbourg en passant par l’électro-dub de « Zenzile », le trip hop de « Massive Attack » et la puissance du métal psychédélique de « Tool », la liste est longue…
Vous pouvez découvrir ou redécouvrir mes autres interviews Street Art ici.
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